Symposium 2009-2010
Chemins et tracés

Le 10e Symposium international d’art in situ a accueilli onze artistes issus de Cuba, des États-Unis, du Québec et du reste du Canada. Ceux-ci ont été invités à concevoir des œuvres originales sous le thème Chemins et tracés, leurs créations étant installées au sein de l’environnement unique des Jardins du précambrien, le public est invité à venir le découvrir. En plus des œuvres des artistes invités en 2009, venez admirer les nouveautés de Marc Walter et de Nathalie Levasseur.

2009
Les artistes :

Xavier Cortada | Linda Covit | Duvier del Dago Fernández | Marc Dulude | Suzanne FerlandL | Tricia Middleton | Daniel Olson | Lyndal Osborne | Fernando Rodriguez Falcón | Jennifer Stillwell
Créateurs invités :
Yves Daoust | Hélène Monette

2010
Les artistes :
Nathalie Levasseur | Marc Walter
Créateurs invités :
Pierre Dostie | François Hébert


2009
Les artistes



Xavier Cortada
Détenteur d’un baccalauréat en arts visuels de University of Miami, Xavier Cortada vit et travaille dans cette même ville. Orientée vers l’écologie et l’art public, sa pratique artistique sollicite souvent la participation des spectateurs. On lui doit plusieurs œuvres d’art public réalisées aux États-Unis et ailleurs dans le monde, notamment à la Maison Blanche, à la Cour suprême de Floride et au Miami Art Museum. Il a aussi créé des installations au Pôle Sud et au Pôle Nord. (Site 2)

Projet
Genetic Markers (Ancestral Journeys across the Asian Continent) / Marqueurs génétiques (voyages ancestraux au long du continent asiatique)Le parcours d’une série de drapeaux anime la forêt par sa palette de couleurs vives, mais ce que Xavier Cortada cherche à représenter symboliquement est la longue progression des premiers Homo Sapiens depuis l’Afrique de l’Est jusqu’à leur implantation progressive sur tous les continents.

Il y a 60 000 ans, un groupe d’hommes et de femmes a commencé à migrer vers le nord. Nous gardons dans notre ADN des traces de cette migration, qui s’est effectuée soit vers l’est jusqu’en Asie, et de là par le détroit de Béring, jusqu’en Amérique, soit vers l’ouest, jusqu’en Espagne et en Scandinavie. L’ADN mitochondrial, celui des femmes, nous permet de remonter jusqu’à « l’Ève » primitive, alors que les marqueurs du chromosome Y, ceux des hommes, ont gardé des indices des lignées paternelle et maternelle.

L’artiste s’est joint au Genographic Project, un projet de recherche lancé par National Geographic. La recherche vise à recueillir l’ADN d’un très grand nombre d’individus pour reconstituer les trajets de nos lointains ancêtres. En créant une branche artistique à ce projet, Xavier Cortada lui confère des qualités visuelles et augmente la cueillette d’informations.La série de drapeaux retrace donc la traversée vers l’est, en soulignant les groupes génétiques dominants de chaque pays. Ainsi, le départ du voyage se fait au Kenya, dont le groupe génétique est E, tout comme celui de l’Égypte (drapeaux verts). Puis viennent Oman et les Émirats arabes unis, dont le groupe est J (drapeaux bleu pâle). Le groupe R (drapeaux bleu foncé) comprend l’Afghanistan, le Pakistan, le Népal et l’Inde. Mais l’Inde comporte aussi des gens du groupe H (drapeaux violets). Le groupe D se trouve au Tibet, au Japon et à Java (drapeaux rouges). La Chine, la Thaïlande, la Corée et la Malaisie se trouvent représentés par le groupe O (drapeaux orange). Enfin, l’Australie et les îles Tonga et Samoa se situent à la fin du voyage (drapeaux jaunes). Les emplacements des arbres correspondent approximativement à l’emplacement des pays sur une carte du monde.

Ainsi, des individus provenant de différents pays se trouvent à avoir les mêmes ancêtres lointains et d’autres partageant le même espace n’en ont pas. L’ultime leçon, selon l’artiste, est de considérer les frontières politiques comme étant profondément artificielles et de mettre les efforts mondiaux en commun notamment pour mitiger les effets du réchauffement climatique.

Pascale Beaudet, commissaire.



Linda Covit
Artiste chevronnée, Linda Covit vit et travaille à Montréal. Elle a réalisé plus de 30 œuvres d’art public, principalement dans sa ville de résidence (notamment pour le parc Jarry et le parc du Mont-Royal), mais aussi au Canada et aux États-Unis. Récipiendaire de nombreux prix et bourses, elle a également exposé au Canada, aux États-Unis et au Japon. (Site 3)

Projet
Sons du versant

Sur le flanc de la colline, 54 délicates tiges de métal soutiennent de petits carillons créés de toutes pièces par l’artiste avec des boulons de zinc. L’installation sollicite à la fois la vue, avec ses cordelettes rose vif attachées aux tiges de métal brillant, et l’ouïe, avec le son délicat des carillons, lorsque le vent se lève.

Prenant en considération le terrain, l’artiste en occupe une partie triangulaire suivant l’inclinaison particulière de la pente, le quadrillant avec de fines tiges d’acier inoxydable. Le rythme régulier du tracé confère un caractère serein à l’oeuvre, qui a été conçue pour être vue dans sa totalité depuis l’agora des Érables. Lorsqu’on se déplace devant elle, toutefois, une illusion de mouvement se crée et les tiges s’animent, un jeu se crée dans la perception de la profondeur.

La qualité méditative propre à la plupart des oeuvres de l’artiste se trouve aussi dans Sons du versant. Elle est présente dès le début de sa carrière, et notamment en 1987, avec Sekibutsu-gun. Le point de vue en perspective sur les stèles commémoratives était déjà présent; de même, l’oeuvre incluait un banc pour les regarder, qui forme une unité visuelle avec le reste de l’installation, tout comme l’agora est prise en compte.

L’influence de la culture japonaise a été marquante dans le travail de l’artiste, tout comme les oeuvres sérielles des artistes minimalistes des années 1960. Ces références imprègnent aussi les nombreuses oeuvres d’art publique de l’artiste, installées tant aux États-Unis qu’au Canada.

Pascale Beaudet, commissaire.




Duvier del Dago Fernández
Né à Zulueta (Cuba) en 1976, Duvier del Dago Fernández est diplômé de l’Institut Supérieur des Arts Plastiques de La Havane où il enseigne désormais le dessin. Il compte à son actif de nombreuses installations réalisées à Cuba, aux États-Unis et en Europe. En France, sa représentation est assurée par la Galerie Odile Ouizeman. (Site 5)

Projet
Castillos en el aire / Châteaux en Espagne

Fabriquer ses rêves, c’est ce que Duvier del Dago cherche à faire dans ses installations, des dessins tridimensionnels constitués de fil synthétique. Pour l’artiste, le dessin n’est pas un art mineur, subordonné à la peinture ou à la sculpture, tel qu’il a été défini dès le XVIe siècle. Il faut toutefois ajouter que les moyens habituels du dessin se trouvent démultipliés par ce procédé très particulier, qui nécessite un espace considérable et où les tracés des fines lignes restent très visibles sur le fond vert de la forêt. Les œuvres précédentes de l’artiste représentent aussi bien des personnages que des objets : un jockey sur un cheval, un crâne, un avion, une auto… Pour l’artiste, le caractère diaphane de l’installation correspond à sa durée éphémère, ainsi qu’à la fugacité de la pensée.

La mer dans la forêt, c’est l’image poétique que l’artiste a choisie pour le Symposium, une antinomie qui devient possible par l’intermédiaire de l’art. Cette représentation de la mer, cependant, porte en elle quantité de références, aussi bien positives que négatives. Pour bon nombre de Québécois, la mer est un symbole de vacances, alors que pour les Cubains, elle est une frontière qu’il est difficile de traverser. L’eau est un élément étrange, difficile à contrôler, dont l’infiltration menace de tout recouvrir : nous marchons sous les vagues, dans le rêve de l’artiste, où nous évoluons dans divers registres d’émotions. Ainsi, l’image qui semble au premier abord innocente, quasi décorative, porte en elle toute une profondeur de signification.

Pascale Beaudet, commissaire.


Marc Dulude
Marc Dulude vit et travaille à Montréal. Détenteur d’une maîtrise en arts visuels de l’Université du Québec à Chicoutimi, il a exposé à différents centres d’artistes et centres d’exposition du Québec. Marc a représenté le Québec aux 5e Jeux de la Francophonie à Niamey (Niger) où il a remporté une médaille d’argent. Il a aussi réalisé une œuvre éphémère pour le bassin de l’esplanade de la Place des Arts à Montréal. (Site 10)

Projet
Regard et tain

Installer une fontaine au cœur d’une forêt est un pari que seuls les artistes relèvent. Toutefois, sa présence stupéfiante nous fait d’une part prendre conscience de la valeur urbaine de ce type de construction, ainsi que des possibilités de discussion qui peuvent naître de rencontres au long du sentier secondaire que les visiteurs emprunteront pour s’y rendre. Le paradoxe de sa présence imposante et inattendue est un prétexte idéal pour les commentaires.

Jouant sur plusieurs registres, le vocabulaire architectural de l’œuvre est tiré à la fois de la Renaissance italienne – les volutes, les angelots, les moulures – et de la cabane de chasseur ou du chalet québécois – les têtes de cerfs. Le doré des motifs décoratifs lui donne un air précieux, mais une dimension kitsch s’insinue par les motifs de têtes de cerfs.

Au fond de la fontaine se trouvent une série de miroirs en lieu et place de l’eau : la fontaine s’y reflète peu, mais surtout les arbres environnants, ainsi que la personne qui regarde. Les angles aigus des miroirs fragmentent le paysage, tout en renvoyant la lumière qui filtre à travers les branches. L’idée provient d’une œuvre précédente de l’artiste, réalisée lors d’une résidence en Écosse, où l’artiste a créé un vélo quasi invisible, intégralement recouvert de miroirs, reflétant le paysage des alentours et devenant une partie de lui.

Artiste véritablement multidisciplinaire, Marc Dulude utilise une grande variété de matériaux et en détourne les effets pour ébranler les certitudes, situer les idées reçues dans une autre perspective. La dimension critique de ses œuvres est souvent accompagnée par un clin d’œil ludique.

Pascale Beaudet, commissaire



Suzanne FerlandL
Suzanne FerlandL vit et travaille à Sainte-Thérèse, dans les Laurentides. Diplômée en arts visuels de l’UQÀM, elle a exposé dans plusieurs galeries et centres d’exposition québécois, ainsi qu’au Musée des sciences et de la technologie du Canada. Des œuvres d’art public figurent aussi parmi ses réalisations. Elle est notamment la créatrice du Sentier Art3, un sentier de sculptures aménagé au Parc du Bois de Belle-Rivière, à Mirabel. (Site 6)

Projet
7721303-2009
L’œuvre de Suzanne Ferland se compose de deux parties : les deux visages génériques déposés au sommet de deux arbres desséchés et une carte du monde qu’elle a façonnée en relief sur un des grands rochers du sentier.

Les deux visages ont été reproduits en superposant les profils de plusieurs assistants présents à la Fondation au début de la résidence des artistes. Cette accumulation a produit un visage sans personnalité distincte, un type générique aux traits indéterminés, sans sexe, race ou couleur particulière, ou les regroupant tous. Encadrant le sentier, ils surplombent les visiteurs comme des gardiens silencieux. Un peu plus loin, derrière un gros rocher, se trouve une carte du monde dessinée par des cailloux, un tableau tridimensionnel reposant sur la mousse. Une série de petits visages génériques sculptés s’y trouvent aussi : ils ont été envoyés à tous les artistes, ainsi qu’à des membres de l’équipe du Symposium, incluant bien sûr son fondateur, René Derouin. Les visages ont été situés sur la carte selon la ville d’origine de chaque individu; ils représentent la multiplicité de parcours et de rencontres qui ont été suscités par le Symposium 2009.

Dans le travail de Suzanne Ferland, commémoration et rituel tiennent une place importante. Les personnes disparues ou les laissés pour compte de la société revivent pour un temps, celui du moment passager où ils sont évoqués par le geste artistique. La plupart du temps, les interventions de l’artiste sont constituées de trois volets : performance, installation et interaction avec les visiteurs. Pour le Symposium, à cause de la résidence, c’est l’installation qui aura été la partie la plus considérable et qui sera venue en premier lieu.

Pascale Beaudet, commissaire



Tricia Middleton
Détentrice d’une maîtrise en arts visuels de l’Université Concordia et d’un baccalauréat du Emily Carr Institute of Art and Design, Tricia Middleton est née à Vancouver en 1972. Elle vit et travaille aujourd’hui à Montréal. Ses installations ont été accueillies par plusieurs musées et centres d’artistes canadiens. Ses œuvres vidéos ont, pour leur part, été diffusées dans le cadre de différents festivals et événements au Canada et à l’étranger. (Site 8)

Projet
Body Caves

Les deux abris fabriqués par Tricia Middleton introduisent un élément purement artificiel dans la forêt des Jardins du précambrien. Le contexte forestier est très présent dans l’imaginaire de l’artiste, qui a grandi dans la banlieue de Vancouver et qui a beaucoup lu les auteurs anglais du XIXe siècle, notamment les sœurs Brontë.

L’intense contraste que provoque la présence de ces abris dans la nature incite à s’interroger sur les définitions du naturel et de l’artificiel. Ils contredisent l’image stéréotypée que nous avons de la nature, tout se situant dans le prolongement du romantisme du XIXe siècle et de la notion de sublime qui y est associée.

L’idée d’une nature authentique et inviolée nous vient de cette époque, où les représentations d’individus seuls devant un paysage tourmenté procurent l’émotion du sublime. Chaque époque porte sa propre représentation de la nature, et la nôtre, influencée par les deux derniers siècles, oscille entre sublime et kitsch.

Ces abris dans la forêt sont constitués de matériaux très artificiels, carrément urbains : boules de coton, couvertures, peinture, paillettes, éléments courants dans le travail de Tricia Middleton. La consommation excessive de notre époque se reflète dans la surabondance et l’utilisation répétitive de ces matériaux banals, typiques de notre époque industrielle. Par ailleurs, la surcharge décorative de l’intérieur de la grotte-abri renvoie à une hyperféminité quasi caricaturale, trop excessive pour être vraie.

Le titre fait référence à des corps, mais qu'ils soient animaux ou humains, ils sont absents de l'installation. L'artiste laissera les abris en place pendant l'hiver, où leur qualité première sera sans doute mise à profit.

Pascale Beaudet, commissaire



Daniel Olson
Détenteur d’une maîtrise en arts visuels de York University (Toronto), Daniel Olson s’est orienté vers la vidéo et la performance. Son travail a été présenté par des centres d’artistes, galeries et musées à travers le Canada et en Europe. Il a reçu de nombreuses bourses et participé à plusieurs résidences d’artistes. (Site 4)

Projet
Empire Studio

Daniel Olson est un artiste du déplacement. Ce terme est à prendre dans plusieurs sens : l’artiste se déplace dans l’espace pendant ses performances; de plus, il change la signification des objets ou des mots dont il se sert dans ses interventions artistiques. Cet été, il se promène dans les chemins du Symposium avec son atelier portatif, vêtu d’un costume trois-pièces de lin blanc dont l’époque précise est difficile à situer. Ce personnage, inventé de toutes pièces, c’est « Monsieur ». Cet homme énigmatique et élégant avec sa canne et son chapeau s’est déjà promené dans d’autres sentiers, ceux-là plus urbains. Il évoque les premières décennies du XXe siècle, ce qui en soi est chargé d’une dose de nostalgie : celle d’une époque que nous pensons être moins troublée que la nôtre. 

Son atelier portatif s’inspire des peintres de la fin du XIXe siècle, ceux qui les premiers sont allés peindre « sur le motif », c’est-à-dire qu’ils emmenaient tout leur attirail pour travailler en plein air. Mais au lieu de pinceaux, de couleurs et de toiles, on y trouve la version moderne de l’atelier idéal selon Daniel : bureau portatif, bibliothèque, bar, fumoir et espace de rangement. 

Pour chacun de ses collègues artistes, Daniel a préparé une courte performance, dont une trace photographique est installée près de chacune des œuvres. Il y chante une chanson tirée du répertoire populaire ou dit un poème de sa fabrication, emprunté à un autre auteur et trafiqué d’une quelconque manière. Utilisant souvent un bricolage technique, stylo amplifié par un micro ou porte-voix relié à un ukulélé, il complique volontairement ses actions et joue sur les registres du savant et du populaire pour déjouer les codes et créer un effet de surprise comique.

Pascale Beaudet, commissaire


Lyndal Osborne
Née à Newcastle (Australie), Lyndal Osborne est une artiste chevronnée qui vit et travaille à Edmonton. Diplômée de University of Wisconsin où elle a complété une maîtrise en arts visuels, elle est professeure émérite à University of Alberta. Ses installations ont été présentées dans plus de 300 expositions à travers le monde. Ses oeuvres font partie de plusieurs collections canadiennes et étrangères. (Site 9)


Projet (en collaboration avec John Freeman)
Counterpoint / Contrepoint
Un chemin secondaire mène à un espace différent de la forêt environnante, celui d’un Contrepoint au monde naturel. 41 « arbres » artificiels ont été placés sur une grille géométrique  qui a par endroits été légèrement décalée, pour éviter les accidents de terrain ainsi que les arbres véritables, tout comme dans les pratiques de reforestation.

Les motifs de ces arbres d’un nouveau type ont été tirés de deux photographies de Karl Blossfeldt (1865-1932), un photographe allemand qui photographiait les plantes avec une grande précision dans le détail, et sans y adjoindre leur habitat naturel. Cela dit, il n’est pas question de copie illicite puisque seulement certains détails ont été empruntés puis grossis un nombre considérable de fois.

La nature et la culture, ainsi que dans plusieurs autres œuvres du Symposium, sont profondément entremêlés. Le motif provient de la nature et y retourne, mais le matériau même sur lequel il est imprimé est une matière plastique totalement artificielle. Cependant, les bandes successives ressemblent aux anneaux des prêles, une plante de milieux humides qui se rencontre couramment au Québec, ou à des tiges de bambou.

La gradation successive des tons, du plus foncé au plus pâle, permet au bosquet artificiel de se confondre avec la forêt, bien que le camouflage ne soit pas total : une fois que le regard se porte de ce côté du sentier, il capte aisément la différence entre les formes naturelles et artificielles.

Avec cette nouvelle espèce d’arbres, tout en conservant une dimension esthétique, l’artiste amène  un aspect critique. Sont ainsi visées les expériences des instituts d’agronomie ou des compagnies produisant les semences agricoles, qui créent des plantes génétiquement modifiées dont nous ne savons pas encore si elles auront des répercussions sur la santé ou sur l’environnement naturel.

Pascale Beaudet, commisaire




Fernando Rodriguez Falcón
Fernando Rodríguez Falcón est né à Matanzas (Cuba) en 1970. Diplômé de l’Institut Supérieur des Arts Plastiques de La Havane, il vit et travaille dans la capitale cubaine. Créés en collaboration avec son alter ego Fernando de la Cal, ses installations et tableaux ont fait partie de nombreuses expositions à Cuba, dans les trois Amériques et en Europe. (Site 1)

Projet
Punto ciego / Point aveugle

Fernando Rodriguez possède un double, Francisco de la Cal, qu’il a créé en 1991, alors qu’il était étudiant à l’Institut d’art de La Havane. Né en 1933 dans la campagne cubaine, Francisco de la Cal aurait été atteint de cécité à l’âge de 30 ans. Cet humble charbonnier se trouve aussi à être un artiste, mais autodidacte, proche de l’art naïf. Il appartient à la génération qui a été à l’origine de la Révolution alors que Fernando Rodriguez a été formé 20 ans après, assimilant les notions les plus contemporaines en arts visuels. Francisco communique ses idées à Fernando, qui réalise les œuvres.

Le charbonnier aveugle est souvent représenté dans les œuvres de Fernando Rodriguez, muni des attributs du non-voyant : lunettes noires et canne. Pour les Jardins du Précambrien, le personnage s’allonge démesurément jusqu’à former lui-même une canne et il se démultiplie jusqu’à créer une sphère. Pour l’artiste, qui utilise régulièrement cette figure stylisée dans des alignements formels, un tel rassemblement symbolise la rencontre des artistes lors du symposium 2009, tout en ayant une signification sociale. Le point aveugle du titre est celui de chaque individu, mais aussi celui des sociétés où nous vivons, avec leurs injustices et leurs inégalités.

Le personnage de Francisco de la Cal est tiré de l’histoire cubaine et des représentations populaires de l’île. Les séries de figures identiques produisent un effet formel emprunté à l’art minimaliste des années 1960, tout en questionnant la teneur de l’identité individuelle et collective. L’artiste comme créateur de formes et de commentaire social a pour lui un rôle à jouer dans l’évolution de la société.

Pascale Beaudet, commisaire



Jennifer Stillwell
Née en 1972, Jennifer Stillwell vit et travaille à Winnipeg. Détentrice d’une maîtrise en arts visuels de l’École du Art Institute of Chicago, cette récipiendaire de plusieurs bourses et prix a réalisé des installations au Canada, aux États-Unis et en Europe. Elle est représentée par la Pari Nadimi Gallery  de Toronto. (Site 7)

Projet
Forest Processes 

Certaines des accumulations de Jennifer Stillwell sont discrètes au point d’être presque invisibles. Si on ne s’engage pas sur le chemin à peine tracé, si le regard ne se porte pas vers le sol, il se peut que l’on ne voie rien. Il y a cependant beaucoup à voir : des séries de formes rondes assemblées en groupes serrés, à l’image de formations naturelles. Ce type de structure se trouve couramment dans les cellules des plantes ou du corps humain. Les piquets de bois à l’extrémité acérée sont ceux-là plus manifestes et se dressent comme des reliquats de cultures primitives, alors que les agrégats au niveau du sol se composent de tuyaux de plastique, traces évidentes de la civilisation industrielle.

La solidité et la durabilité des tuyaux de plastique enterrés dans le sol miment la pérennité des structures naturelles, tout en leur apportant une dimension artificielle. La neutralité de la couleur participe à l’imbrication des formes artificielles dans le contexte naturel des Jardins du précambrien. Le travail de Jennifer Stillwell allie des éléments naturels et d’autres formés mécaniquement, qu’elle répète en séries afin de produire un effet de contraste signifiant. Elle utilise des matériaux « pauvres », c’est-à-dire ceux qui n’ont pas de valeur monétaire ou esthétique : le gravier, la terre, des paniers de plastique, des pots de métal… La banalité des objets est à l’image de la répétition des activités quotidiennes.

Le processus de création, également répétitif, possède une grande valeur pour l’artiste. C’est par la réitération de gestes simples ou complexes, effectués par elle seule ou avec l’aide de collaborateurs, que l’accumulation se produit et que le sens se crée. Le défi pour l’artiste a été d’affronter pour la première fois un espace totalement naturel, autre que celui de la galerie où les paramètres sont contrôlés, différent aussi de celui de l’art public urbain, où les contraintes sont plutôt d’ordre institutionnel. 

Pascale Beaudet, commissaire

2009
Créateurs invités



Yves Daoust, compositeur
À 7 ans, il prend ses premières leçons de piano avec Alice Vigeant; à 16 ans, il réalise ses premières expériences électroacoustiques, «préparant» notamment le piano familial pour effectuer la sonorisation d’un film expérimental 8mm de l’un de ses amis; à 19 ans, il crée sa première œuvre électro: musique d’une heure pour une pièce de théâtre gestuel présentée à Berlin (Allemagne) dans le cadre d’un festival international de théâtre amateur; à 20 ans, il entre au Conservatoire, d’abord dans la classe de piano de Irving Heller, puis dans la classe de composition de Gilles Tremblay. Depuis 1978, année où il est entré officiellement dans le monde professionnel de la musique, Yves Daoust a composé en moyenne une œuvre par année, pour différents genres, diverses situations et différentes formations. Ses influences sont multiples: trames sonores de films, bien sûr, mais aussi Cage, Xenakis, Kagel, Ferrari, Savouret, Stockhausen (Hymnen), Beethoven, Schumann, Magritte… (Sentier de la Sonorité)

Projet
Empreintes – Oeuvre collective
Le sentier d’entrée s’ouvre sur une aire circulaire, enceinte à la fois contemplative et interactive, où le visiteur sera invité à se recueillir quelques minutes avant de pénétrer dans la zone de l’exposition. Une musique électroacoustique, inspirée des sons de la forêt, s’y déroule sans interruption. Des carillons de bois, d’os, de glaçons de verre et de céramique accompagnent la partie musicale fixée, au gré du vent et de l’intervention du public. Ces sculptures sonores auront été déposées tout au long de l’été par les visiteurs qui les auront fabriquées durant les séances d’ateliers précédant les visites. Au fur et à mesure de leur accrochage, elles constitueront une sorte de clavier organique réagissant au passage de chacun aussi bien qu’aux conditions climatiques. La musique électroacoustique est déversée en immersion par huit haut-parleurs. Le visiteur aura le loisir de s’asseoir et se laisser caresser par la douceur des sons, en symbiose avec la mémoire cumulative du lieu.



Hélène Monette, poète
Hélène Monette a étudié en littérature, en histoire de l’art et, dans une moindre mesure, en arts plastiques. Cofondatrice du magazine-photo Ciel Variable, elle a travaillé dix ans en organisation communautaire et culturelle. Poète et romancière à l’écriture hybride, au ton rebelle et sensible, elle a participé à de nombreuses lectures publiques au Québec et à l’étranger. Hélène Monette a collaboré à des projets associant la poésie et la radio, le cinéma, le théâtre, le disque ou la vidéo. Elle a interprété d’autres poètes lors de soirées-hommages et a été publiée dans plusieurs périodiques littéraires ou d’information, dont Estuaire, Moebius et Relations. Elle compte à son actif la rédaction de plusieurs ouvrages parmi lesquels mentionnons : Crimes et chatouillements (XYZ éditeur, 1992); Unless (Éditions du Boréa, 1995), Un jardin dans la nuit (2001), Thérèse pour Joie et Orchestre (2008). (Sentier des Chevreuils)

Projet
Huit Vents

En hommage à l’œuvre et de par l’inspiration de l’action artistique de Monsieur René Derouin larguant ses statuettes de céramique dans le fleuve Saint-Laurent (Migrations), voici. Les Grecs nommaient « hermaï » un amoncellement de pierres et cailloux au carrefour des chemins, conçu pour dégager la route et aussi, symboliquement, pour honorer Hermès/Mercure, le dieu des Voyageurs. Plusieurs noms désignaient Hermès (dans toutes ses splendeurs et nuances), dont Enodios, dieu des routes et des carrefours. À l’empilement, chacun pouvait ajouter une pierre, « son » caillou. Comme il en est des dolmen des Nordiques, les hermaï servaient à l’orientation des voyageurs. Dans ce qui est maintenant les Jardins du Précambrien, les anciens propriétaires (...) ont laissé un hermaï au carrefour du Sentier de la Sonorité et du Sentier des Chevreuils, dans le beau tournant en « V » du chemin.

Comme installation temporaire, une rose des vents prend place au carrefour de deux sentiers (O-S-O et S-N) dans le sous-bois. Après maintes hésitations, c’est une chaise, une « chaise des vents » où vous êtes invités à prendre place et à tourner tout comme la terre tourne. Vous pourrez faire face au Nord, sentir où s’élancent les huit vents peut-être (à développer), vous inventer un désir de partir dans telle ou telle direction. En levant les yeux, vous verrez quelques symboles suspendus. Au sol, quelques écorces, quelques mots, des expressions autour du verbe « aller ».  Des cailloux qui ne bougent pas, des billes qui tournent et roulent sur elles-mêmes, de petits objets symbolisant la flore comme l’enfance. En deux mots, orientation poétique. Assemblages ludiques et pistes de rêves.

C’est une part de mémoire qui s’inscrira ici.

2010
Les artistes




Nathalie Levasseur
Artiste multidisciplinaire, interpellée par les comportements de l’homme dans son environnement immédiat, Nathalie Levasseur allie sculpture, installation, œuvres in situ, performance et multimédia, dans un art de l’assemblage et de la cohésion. Elle compte à son actif plusieurs expositions solos et collectives au Québec, au Canada, au Japon, en France et en Espagne. Ses projets ont reçu, à plusieurs reprises, le soutien du Conseil des Arts et des Lettres du Québec. (Sentier de la Gillespie)

Projet
Mes racines, ma terre

Composée de vestiges de fonds de chaises, principalement de matières ligneuses, ainsi que de squelettes de chaises sans fond, et du tressage fantomatique d’un arbre abattu; l’œuvre de Nathalie Levasseur propose une réflexion multiple sur la place qui est la nôtre, ou que nous choisissons d’occuper, en tant qu’individus parmi les individus végétaux qui nous entourent. Intégrée sans jugement à la forêt, Mes racines, ma Terre évoque les fondements anthropologiques de l’utilisation de la matière vivante par l’homme pour sa survie.




Marc Walter
Artiste d'une grande sensibilité au parcours unique. Maître en gestion, il s'intéresse très tôt aux arts et suit des cours du baccalauréat en arts visuels à l'UQO et dans des institutions variées au Canada et en Europe. Sa participation à de nombreux événements au pays et à l'étranger lui permet d'acquérir la reconnaissance de ses pairs et celle du public. Marc Walter est un créateur spécialiste d'installations extérieures ou intérieures spécifiques aux sites sur lesquelles elles sont érigées (sculptures, espaces, mosaïques). L’artiste intervient à l'aide de matières organiques et ces créations sont donc le plus souvent éphémères. Souvent de grandes tailles, les œuvres permettent au visiteur de pénétrer dans un univers et/ou de vivre une émotion liée à l'histoire des lieux. (Sentier de la Gillespie)

Projet
Territorium Et Tu

Avec Territorium Et Tu, je vois les tentatives que les hommes ont toujours fait de maîtriser le territoire et de le dompter, jusqu’à la réalisation que la nature reprend toujours le dessus. Les autochtones ont tenté d’échapper à l’emprise de la colonisation en conservant difficilement un rapport organique et spirituel à la nature. J’ai créé deux chambres et un canot. La première chambre encourage la pénétration sur le site; on peut la toucher, on peut s’y glisser. La deuxième chambre est un lieu de réflexion par rapport à la position de l’humain dans la nature; imbriquée en partie dans la première chambre, elle incite le regard vers le haut. Le canot, avec sa forme plus organique et facilement reconnaissable, évoque une culture. Sa situation vis a vis des chambres le place en position de refus, d’extraction. L’œuvre présente une évolution du rigide vers l’organique, du bas vers le haut, de la réalité vers le rêve…
2010
Créateurs invités



Pierre Dostie, compositeur
Compositeur et pianiste, Pierre Dostie a fait ses études en composition à l'école Vincent D'Indy et à l'Université McGill ou il y étudie également la composition électroacoustique. Membre fondateur de groupe SONDE en 1976, il oeuvre jusqu'en 1986 au sein de ce collectif de compositeurs montréalais dont les recherches et expérimentations portent principalement sur la construction de nouvelles sources sonores et sur la diffusion d'oeuvres électroacoustiques mixtes et en direct. Le coté innovateur de sa démarche artistique l'amène à participer à des événements pluridisciplinaires et à présenter ses compositions individuelles et collectives dans plusieurs grandes villes québecoises, canadiennes et européennes. Compositeur polyvalent, Pierre Dostie s'associe à des artistes de toutes disciplines pour créer des musiques originales diffusées dans le cadre d'installations et d'environnements sonores, de concerts/performances, d'expositions picturales et multimédias, de festivals de films et vidéos d'art. Il a en outre été à plusieurs reprises, récipiendaires de bourses du Ministère des Affaires Culturelles du Québec et du Conseil des Arts du Canada.
Projet
Série de concerts/performances à l’Agora Gaston-Miron

Ces interventions constituent une série de concerts/performances, d'une durée d'environs 20 minutes, réalisés sur des sculptures sonores et des instruments inventés et amplifiés électroniquements.


François Hébert, poète
François Hébert a enseigné la littérature à l’Université de Montréal de 1972 à 2006 et il y a animé des ateliers d’écriture. Il a dirigé la revue Liberté, a été journaliste à Radio-Canada et critique littéraire au Devoir. Il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages, dont plusieurs recueils de poésie (Les pommes les plus hautes, 1997; Comment serrer la main de ce mort-là, 2007; Poèmes de cirque et circonstance, 2009).

Projet
Série de récitals aux agoras
Entre vous et moi, les arbres… (description liée au premier récital)

On parlera de présence et du présent, et des distances qui l’empêchent dans notre civilisation, et notamment de la curieuse manie qu’ont les jeunes de se brancher sur des sites de l’internet, nouveau cordon ombilical, de se renseigner sur tout et sur rien, de simuler des combats avec Counterstrike ou d’inventer avec Sim des villes imaginaires, de s’envoyer des textos du genre : je suis au coin de telle et telle rues, je mange un hot-dog et toi ? sans oublier la manie de regarder la télé, de prendre des photos, de tourner des vidéos, bref de vivre par procuration. La question paraîtra naïve ou folle, mais je la poserai quand même : Les arbres font-ils cela ? Que font-ils au juste? Que nous font-ils? Qui ou quoi sont-ils? Que nous disent-ils? Oui, ils parlent. Quoi leur répondre? Que leur faisons-nous? Comment les aimer? Que faire de la nature? Qu’est-ce que le naturel? Quels sont vos sites préférés, paysages extérieurs ou intérieurs? C’est bien le lieu, ici, in situ, pour se poser ensemble ces questions ou mieux encore écrire des poèmes, en lire, en dire. Ils sont branchés, les poèmes, bien branchés sur le réel, comme les arbres.